Jacques TROVIC
Jacques est né le 15 juin 1948 à Anzin (Valenciennes).
De santé fragile, il n’a pu fréquenter l’école de manière continue. Restant beaucoup à la maison, c’est sa maman et sa soeur qui vont lui donner le goût du travail de couture et dès l’âge de 14 ans, il commence sa première tapisserie « La Scène espagnole » qu’il termine deux ans plus tard. Cette tapisserie sera exposée tout de suite car la ville d’Anzin où il vit, organise un concours artistique. Jacques s’y inscrit et gagne le premier prix. Depuis, brodeur de métier, tel est sa force de vie.
Cela fait plus de 50 ans que sa vie s’organise autour de la tapisserie, il pense, il respire, il dort tapisserie. Sa maison est à l’image de sa passion, les paquets de laine, de tissus, apportés par ses voisins, ses amis, s’accumulent un peu partout. Les aiguilles, les boutons, les chaînettes, les fils particuliers envahissent son espace de vie. Des dizaines d’affiches retraçant les expositions auxquelles il a participé ornent les murs. Sur la cheminée, une peinture à l’huile sur toile très ancienne rappelle a travaillé cette technique. Dans un couloir entre deux pièces, quelques mosaïques de grands formats s’imposent à notre regard. Il a beaucoup aimé cette technique mais il revient toujours à la tapisserie.
C’est dans la cuisine de se maison que la plupart de ses oeuvres sont nées. Imaginons un instant sa maman qui tricote à côté de lui, qui l’admire et le protège de son regard. Sa soeur Josiane, toute proche, prépare le repas du midi ou aide Jacques pour faire avancer le travail. Il faut faire les ourlets de toutes les pièces de tissus que son frère découpe, sinon ça s’effiloche et ce n’est pas beau, Josiane s’applique. C’est aussi Josiane qui prépare le café permettant à Jacques de travailler toute la nuit. Imaginez ces longues nuits où Jacques coupe, coud, dessine avec la télé en bruit de fond pour l’accompagner. La fatigue finit par l’emporter, il s’endort quelques heures sur l’oeuvre en cours.
Quel que soit le format de sa tapisserie, la base est toujours la même : c’est une toile de jute qu’il coupe à la grandeur souhaitée dans on grand rouleau qui repose dans un coin de la cuisine. L’ourlet fait, Jacques pose les premières bandes de tissus. Avec un marqueur, il dessine assez grossièrement les éléments qui composeront sa tapisserie. Près de lui les documents qui alimentent sa création. Ses sujets sont multiples : le pays minier dont il est originaire, le folklore, les métiers, les scènes quotidiennes, les régions françaises,… Ses tapisseries sont lumineuses, colorées, positives, le soleil souriant n’est d’ailleurs jamais bien loin.
Jacques Trovic connaît l’histoire de chaque tapisserie, il dit en avoir fait plus de 400. Il se souvient de la genèse de chaque tapisserie, les lieux où elles ont été exposées, les catalogues dans lesquelles elles figurent. Exposer, rencontrer le public, les journalistes sont des moments essentiels dans sa vie d’artiste.
Sa tapisserie grande ou petite repose en boule sur une toute petite table. Ses longs doits fins cherchent le chas de l’aiguille pour enfiler la laine, le fil ou la corde. C’est un travail physique car les grands formats sont souvent lourds à déplacer. Certains tissus, certains fils sont mal aisés à manipuler et ils abîment les doigts. C’est un travail qui demande toute son attention car rien n’est gratuit, chaque centimètre carré est porteur d’émotion. Il est remarquable que Jacques ne regarde jamais l’ensemble de son travail en cours de réalisation, il sait exactement où chaque chose, chaquepersonnage, chaque animal va trouver sa place. Il travaille sur sa toile de jute partout en même temps. Il ne semble pas avoir un schéma de réalisation précis mais une fois la tapisserie terminée, c’est une découverte, l’oeuvre se dévoile… et Jacques est épuisé. Jacques Trovic est un immense voyage qui donne corps à ses rêves. (*)
Aujourd’hui, Jacques Trovic n’a plus de famille mais il a conservé sa maison natale. Il vit la semaine au Centre La Pommeraie (Beloeil), travaille à l’atelier dessin et peinture de Bruno Gérard, et rentre leweekend chez lui à Anzin. A La Pommeraie, il a accepté l’assistance de Patrick Lecointre, personne sourde et muette.
Jacques Trovic a fait don à La Fondation Paul Duhem de l’oeuvre « Le Tiercé » (2001), tapisserie-patchwork monumentale de 190 cm de haut sur 480 cm de large. Par ailleurs, « La Parade du cirque » (2013), acquise par une particulière, a été mise en dépôt à la Fondation pour une période de cinq ans, à savoir jusqu’en 2021. En contrepartie, la Fondation Paul Duhem s’est engagée à l’exposer régulièrement.
Jacques Trovic a exposé en France, Belgique, Allemagne, Suisse, Autriche, Espagne, Slovaquie, Ukraine, République Tchèque, Finlande, Russie, Japon, Etats-Unis, Argentine,…
Il est représenté dans de nombreuses collections privées et publiques : Collection de l’Art Brut à Lausanne (CH), Art et Marges Museum à Bruxelles (BE), Musée de la Création Franche à Bègles (F), Musée d’Art Naïf et des Arts Singuliers à Laval (F), Musée International d’Art Naïf Anatole Jakovsky à Nice (F), La Fabuloserie à Dicy (F), Centre historique Minier à Lewarde (F), Musée d’Ethnologie régionale à Béthune (F), Musée des Beaux-Arts de Tourcoing (F), Musée d’Art et d’Histoire et Musée du textile et de la Mode à Cholet (F), Atelier-musée Fernand Michel de Montpellier…
(*) Texte de Bruno Gérard tiré de : Françoise Rolain (dir.), PscycArt 15 ans – 15 ateliers, Ed. Lundbeck, Bruxelles, 2013.
On voit aujourd’hui Jacques Trovic coudre et broder tout en portant en lui les traditions des pays du nord de l’Europe : de la tapisserie d’Arras ou de Bruxelles dès le XVIe siècle, aux scènes festives des peintures de Brueghel l’Ancien (vers 1525-1569).
Marie-Françoise Bouttemy, chargée de projets au Conseil général du Pas-de- Calais (Marie-Françoise Bouttemy, « L’art d’être dans le présent », in : Bruno Gérard et Jacky Legge, Emergence, Ed. Centre La Pommeraie / Maison de la Culture de Tournai, Ellignies-Sainte- Anne / Tournai, 2015)
Plus qu’une existence, sa création a aussi été, je crois, le ciment familial. À partir du moment où Jacques est devenu artiste aux yeux de la société, la petite famille s’est aussi mise à la tâche, sa soeur Josiane faisant tous les ourlets des pièces de tissus intégrées dans ses compositions. Sa maman, une forte personnalité, veillait à l’équilibre de la maisonnée et probablement participait aux créations de Jacques. Tout s’est effondré au décès de sa soeur Josiane et en arrivant à l’atelier, Jacques a dû se forger un nouvel équilibre, de nouveaux objectifs ; encore une fois c’est sa création qui le porte et le pousse aujourd’hui à continuer sa route.
Bruno Gérard, responsable de l’atelier dessin et peinture du Centre La Pommeraie (Bruno Gérard, « Emergence, un rêve humaniste », in : Bruno Gérard et Jacky Legge, Emergence, Ed. Centre La Pommeraie / Maison de la Culture de Tournai, Ellignies-Sainte- Anne / Tournai, 2015)
Il est assisté par Patrick Lecointre. Sourd, muet et autiste, Patrick est assis en permanence à côté de Jacques, dont il observe tous les gestes. Non seulement, en assistant attentif, il coupe un long fil de laine de 3 mètres de long qu’il enfile par le chas de la grosse aiguille et qu’il remet à Jacques. Quand celui-ci a fait son point, Patrick prend l’aiguille pour tendre le fil et la rend ensuite ; et ainsi de suite, et ainsi de suite...
Jacky Legge, coordinateur des expositions à la Maison de la culture de Tournai (Jacky Legge, « Jacques Trovic », in : Bruno Gérard et Jacky Legge, Emergence, Ed. Centre La Pommeraie / Maison de la Culture de Tournai, Ellignies-Sainte- Anne / Tournai, 2015)
« Le Cheval de Troie » de Jacques Trovic est une des oeuvres majeures révélées par l’exposition « MONSens Art Brut » qui a eu lieu au BAM dans le cadre de Mons 2015. Cette tapisserie a été découverte, par hasard, dans le grenier de l’auteur, par Bruno Gérard, animateur artistique à La Pommeraie. (...) Cette oeuvre – comme celles d’autres artistes outsiders, Aloïse, Bispo do Rosario, Ovartaci… –, et le contexte de sa création, nous procure une émotion en profondeur de par son humanité. On est loin de la superficialité de Jeff Koons. L’art brut est-il le « Cheval de Troie » qui pourrait servir à dynamiter le caractère factice de certaines oeuvres d’artistes contemporains surmédiatisés et surévalués ?
Robert Sterck, psychiatre (Robert Sterck, « L’Art Brut , Cheval de Troie de l’art contemporain »).
Les Artistes
Michel BEAUTHIER
Jean-Jacques BONNIER
Dominique BOTTEMANNE
Anne BOUCHER
Maurice BRUNSWICK
Danièle CARON
Georges CAUCHY
Jean-Yves CHABOT
Michel DAVE
François DEFONTAINE
Serge DELAUNAY
André DELVIGNE
Niels DIEU
Daniel DOUFFET
Jean-Pierre DRILA
René DUBOIS
Georges DUESBERG
Paul DUHEM
Vincent FENEYROU
Ludivine FLIPS
Patrick FOURMEAU
Christian GAUTHIER
Irène GÉRARD
Jean-Pol GODART
Jean-Luc GODZ
Chantal GONTARCZYK
Martha GRÜNENWALDT
Oscar HAUS
Christelle HAWKALUK
Jean-Marie HEYLIGEN
Hugues JOLY
Isabelle LAURE
Alexis LIPPSTREU
Pascal MASQUELIÈRE
Jean-Pascal PÊCHEUX
François PEETERS
Jean POL
Louis POULAIN
Patrick SCHUMMER
Thibaut SEIGNEUR
Julien TAMA
Jacques TROVIC
Annie VAIRON
Louis VAN BAELENS
Olivier VAN EETVELDE
Michel VAN PRAET
Lionel VINCHE
Gérard WARGNIER
Jean-Michel WUILBEAUX